Les glycines de Valmer
Le parfum est envoûtant, presque indécent ...
Glycine
Sa
folle floraison de mai,
sa résurgence de septembre
embaument les souvenirs de ma petite enfance.
Cette glycine se chargeait d’abeilles autant que de fleurs,
et murmurait comme une cymbale
dont le son se propage sans s’éteindre,
plus belle chaque année,
jusqu’à l’époque où j’appris ce qu’est sa puissance meurtrière.
La
glycine commença à arracher la grille.
Je l’ai vue en soulever un imposant métrage.
Je l’ai vue en tordre les barreaux
à l’imitation de ses propres flexions végétales.
Il lui arriva de rencontrer le chèvrefeuille voisin,
le charmant chèvrefeuille mielleux à fleurs rouges.
Elle le suffoqua lentement
comme un serpent étouffe un oiseau.
Par
un jour torride
où tout était propice aux mauvais songes,
j’ai visité la tour tronquée du Désert de Retz.
Je n’y retournerai pas.
Celle-ci regorgeait de meubles massacrés :
Devais-je redouter un reste maléfique de vie ?
Le bris soudain d’une vitre m’obligea à tressaillir :
un bras végétal, coudé,
en qui je n’eus pas de peine à reconnaître l’esprit reptilien des glycines,
venait de frapper,
et d’entrer par effraction !
COLETTE - Pour un herbier
Texte mis en musique par Edith LEJET