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La douce et piquante
16 mai 2011

Point virgule

Le jardin était grand, plein de fleurs ravissantes, avec des arbres assez hauts, qui remuaient légèrement dans une gloire de soleil. Les murs qui le bordaient étaient bas, et derrière eux commençaient la campagne, bientôt bornée, d'un côté, par la forêt. Monsieur Ladmiral aimait son jardin et en était fier ; il l'avait peint cent fois ; il le regardait comme un trésor. Pas un légume n'y poussait, rien que des fleurs et des arbres. Le moins possible d'arbres fruitiers ; de vrais arbres.

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Qui, aujourd'hui, oserait manier ainsi le point virgule ?
Est-il d'ailleurs encore enseigné à l'école élémentaire ?

Le point virgule, c'est juste une petite pause pour reprendre son souffle, car il semblerait que Monsieur Ladmiral va bientôt mourir ...

Voilà, j'ai revu récemment ce film magnifique de TAVERNIER, et j'avais envie de découvrir cette prose.
Cent pages avalées samedi soir il y a dix jours, en rentrant d'une journée de travail bien intense.

J'avais décidé d'enchaîner d'un trait cette lecture, me délecter de cet univers si désuet, et me ressourcer, m'évader "pour de faux" ... quoique ?

Le film est d'une grande fidélité au roman, avec la voix off qui restitue des passages entier de Pierre BOST.
Par contre, pas de trace de cette scène si émouvante de la guiguette, avec l'accordéon de Marc Perrone.

http://www.cinemovies.fr/images/data/photos/7530/un-dimanche-a-la-campagne-1984-7530-1254864462.jpg

Monsieur Ladmiral mit près de vingt minutes pour rentrer chez lui. Il traînait un peu la jambe, mais surtout il n'était pas pressé. C'est si beau, la nuit qui vient. Les couleurs du ciel étaient ravissantes, perle et grenat léger, avec une bande vert amande, tendue, toute droite, comme tracée au tire-ligne. On n'oserait pas peindre ça.

P1000646

J'entends bien ... Ce livre, ce n'est pas le buzz de la dernière rentrée littéraire.

On peut néanmoins lui consacrer une soirée, fenêtre ouverte, affalé sur son lit, l'air chargé des parfums enivrants d'acacia, de tilleul ou de chèvrefeuille. Un tempo autre, comme un point virgule improbable dans la course aux nouveautés.

Ne pas oublier non plus la belle adaptation que Bertrand Tavernier, avec Un dimanche à la campagne, fit en 1984 d’un livre de Pierre Bost, Monsieur Ladmiral va bientôt mourir. Ce livre, imprimé sur papier acide, donc promis à une lente désagrégation, j’en ai toujours la petite édition Gallimard que j’avais achetée juste après la guerre, en 1945, pour mieux comprendre les gens de l’ancienne génération, vieillards, disais-je alors, aujourd’hui gens de mon âge. Jeunes gens, relisez Pierre Bost et allez voir Un dimanche à la campagne. Et autres livres, et autres films. Merci, Monsieur Tavernier !

Je reviens à Monsieur Ladmiral va bientôt mourir. Pour l’admirable incipit que lui a donné Pierre Bost… “Quand Monsieur Ladmiral se plaignait de vieillir c’était en regardant l’interlocuteur bien en face, et sur un ton provocant, qui semblait appeler la contradiction.” Comme c’est bien vu ! Et puis, après avoir lu pareille phrase, on est sûr d’aller au bout de la course.

Hubert NYSSEN - Extrait de ses Carnets - 2 septembre 2006.

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Commentaires
A
Je n'ai lu aucun de ces livres. J'ai vu bien sûr "un dimanche à la campagne" c'est un film délicieux, par contre j'ai raté le second.
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